Quand le Festival électrise les ondes

Mathieu Amalric - Barbara © Hamza Zouhair / Moustic

Nouveauté de cette 70e édition anniversaire, la webradio du Festival de Cannes a pris ses quartiers dans les sous-sols du Palais et a investi les ondes. Yves Bongarçon, le directeur de l’antenne, évoque les enjeux qui ont entouré sa création.

Avec quelle perspective est née la webradio du Festival ?

L’idée était d’accompagner la manifestation d’une manière quelque peu différente des médias institutionnels existants, comme la télévision du Festival ou son site internet, et le bruissement généré par les médias traditionnels généralistes. La direction tenait à ce que le Festival possède une voix purement audio, qui s’attache à braquer les projecteurs sur l’actualité de films qui, sans forcément être ignorée, est moins abordée car leurs auteurs sont moins visibles ou moins glamour.

Quel ton souhaitiez-vous donner à la grille des programmes ?

Nous souhaitions au départ monter une radio de prospective et aborder des questions comme celle du numérique, avec en toile de fond, les interrogations suivantes : comment se conçoit le cinéma aujourd’hui et qu’est-ce que sera le Festival de Cannes demain ? Nous nous dirigeons vers une mutation du cinéma, et cela engendre des questionnements quant à la pérennité de ses différents modèles économiques. Nous étions d’accord sur le fait que la radio devait être un moyen d’expression pour démêler le vrai du faux à ce sujet, trancher entre le permanent  et l’éphémère en conviant des acteurs de chaque thématique abordée.

La programmation aborde également l’actualité chaude du Festival…

Tout à fait. Après plusieurs mois de réflexion, nous avons été convaincus par le fait qu’il nous fallait davantage intégrer aux programmes le quotidien du Festival. Nous l’abordons notamment l’après-midi, qui est consacré aux films des autres sélections, pour attirer l’attention sur ces œuvres réalisées par des cinéastes moins célèbres, qui ont moins d’exposition. Nous ne pensons pas pouvoir apporter de valeur ajoutée sur la Compétition et les films qui lui donnent son ton. Tout cela est déjà très bien traité par les médias traditionnels.

La critique est-elle présente sur vos ondes ?

Nous menons chaque jour une émission critique animée par Florence Leroy, qui a lieu de 13h à 14h. Elle y reçoit ses confrères de la presse française et étrangère. Mais on ne souhaitait pas que les débats sur les films y soient âpres, avec des avis délétères et tranchés. Le tout se déploie sous le sceau de la confiance et de bienveillance. Il s’agit davantage d’illustration et de mise en perspective. Nous tenions aussi à ce que la radio possède un volet évoquant l’histoire patrimoniale que représente Cannes, aussi bien dans un contexte de conscience collective française événementielle que d’histoire de la cinématographie, qui est vraiment manifeste à Cannes.

De quelle manière faites-vous le lien avec le grand public ?

L’après-midi, une émission baptisée Memento traite des à-côtés du Festival, avec des sujets qui peuvent aussi bien s’intéresser au voiturier du Martinez qu’au vendeur de pizza du coin ou au chef de la sécurité.

La programmation s’intéresse également à la part féminine de Cannes…

On a beaucoup reproché au Festival sont manque de féminisation, ce qui n’est pas vrai. On a donc voulu insister sur cette question dans une émission qui s’appelle Le Sourire de Mona Lisa. Nous avons invité Mélina Zauber, une jeune comédienne, à revisiter de sa patte un certain nombre de grands monologues tirés de films qui ont marqué Cannes. Certains sont parfois vieux de 40 ou 50 ans. Mélina propose une version originale de douze monologues prononcés par douze personnages féminins marquants de Cannes. Elle le fait avec un autre ton. C’est le geste créatif et poétique de cette webradio.